mercredi 18 mars 2015

Projet Dyamant : le making-of (part triiii)

Salut les p'tits gens.
Allez hop, le festival Cap Bulles de Soignies c'est déjà dimanche prochain. Pas sûr que j'aurai fini le making-of du projet Dyamant d'ici là, mais vu les retours positifs, je continue sur ma lancée.
Si vous n'avez pas encore lu Dyamant, je ne vais pas vous spoiler complètement la lecture, mais il est clair que quelques détails que j'exposerai ici lèveront un peu le voile sur certaines parties du récit. Vous voilà prévenus.



Aujourd’hui, le découpage

Quand j’écris un scénario, je le fais en général sur base de dialogues. J’ai déjà une idée de ce que je veux raconter, mais je vais structurer ça en écrivant principalement des dialogues, avec de temps en temps une petite indication de mise en scène, mais c’est rare. Cette étape est faite à l'ordi, du pur texte dans un éditeur on ne peut plus basique.

Ce n’est qu’au moment du découpage à proprement parler que je vais effectivement mettre les personnages en scène. Souvent, à cette étape, je me rends compte que mes dialogues sont bien trop touffus, et que je ne parviendrai jamais à mettre autant de texte dans les 6 pages qu’est sensée faire chaque histoire de Dyamant. S’en suit dès lors une phase d’écrémage, parfois pénible, qui m’oblige à revoir les éléments à mettre dans l’histoire.
Sans arriver aux extrémités horripilantes d’un auteur comme Umberto Eco (bah oui, la comparaison vaut ce qu’elle vaut), j’aime, comme je l’ai dit la fois passée, introduire des éléments historiques dans mes récits.
Forcément, à un moment faut se limiter et ne pas transformer le récit en étalage insupportable de culture-confiture. C’est souvent dans ce domaine que j’ai dû tailler sans ménagement dans le vif.
Et malgré ça, vous remarquerez que Dyamant reste largement dialogué. C’est une des raisons pour lesquelles, lors du découpage, j’ai fait des bulles rectangulaires. C’est con, mais ça permet de gagner pas mal de place, et mes petits camarades comprendront assez vite qu’ils ont intérêt à faire de même lors de la mise au propre.




Le découpage de la première planche de Blue Fox. Beaucoup de dialogues.
Pour que ça rentre, des bulles rectangulaires au plus proche du texte s'avèrent utiles...


Il est à noter que, à l’exception peut-être du récit sur les vikings, toutes les histoires sont relativement statiques. Unité de lieu et de temps comme disaient les classiques, mais c’est probablement un effet secondaire de ma façon d’écrire. Quand on se concentre sur des dialogues, on pense moins à mettre de l’action. Faudrait peut-être que je pense à corriger ce petit défaut...
D’un autre côté, comme mes petits camarades m’avaient interdit de leur imposer plus de 6 planches à dessiner, j’avais bien besoin de tous ces dialogues pour faire avancer l’action.

La phase du découpage est toujours dessinée chez moi, et toujours au format de publication final. Elle me permet de mettre en place en gros les personnages et les décors, ainsi que de placer les textes (étape indispensable pour ne pas se demander ensuite où on peut bien caser la bulle, n’est-ce pas Spoky ? ;-) ). A la demande expresse de Sarah Barbare, j’ai dérogé à cette règle pour son histoire : elle préférait un découpage écrit, chose que je lui ai fournie, mais qui m’oblige à plus d’abstraction au moment de mettre les choses en place « mentalement ».




Le découpage de la première planche de l'album.
Quand je la dessinerai par la suite, il y aura très peu de changements dans le placement des personnages.





Le découpage écrit pour Princesse Barbare
Ca me demande tout de suite plus d'efforts d'abstraction et m'oblige à être plus descriptif sur les éléments graphiques, les décors, l'attitude des personnages, etc.





Le découpage de la première planche pour SoliKson.
Je ne sais pas si c'est parce que c'est la première histoire que j'ai découpée, mais c'est aussi le découpage où les éléments de décor sont les plus détaillés. D'habitude, je ne m'encombre pas d'autant de détails à cette étape.


Ce découpage servira ensuite de base à chaque dessinateur. Certains le suivront très fidèlement (c'est mon cas: il est très rare que j'apporte des modifications majeures à mes propres découpages au moment de crayonner), et parfois moins. Mais ça, j'en parlerai la prochaine fois.

lundi 16 mars 2015

Projet Dyamant : le making-of (part tou)

Rebonjour à tous, bande de petits fans curieux.
Plus qu'une semaine avant le festival Cap Bulles qui aura lieu en notre belle ville de Soignies le dimanche 22 mars prochain, nous continuons donc avec le petit making-of du projet Dyamant en plusieurs épisodes montrant entre autres choses le fonctionnement de notre collectif Synapses (qui a osé dire dysfonctionnement ???).
Si vous n'avez pas encore lu Dyamant, je ne vais pas vous spoiler complètement la lecture, mais il est clair que quelques détails que j'exposerai ici lèveront un peu le voile sur certaines parties du récit. Vous voilà prévenus.



Aujourd’hui, des éléments historiques dans une histoire loufoque

Ceux qui me connaissent savent que j’aime l’Histoire. Sans en avoir fait une passion, j’ai une vraie curiosité sur le passé qui remonte probablement à ma tendre enfance où j’attendais avec impatience la diffusion de l’épisode de Il était une fois l’homme sur FR3 et que mon père, dans la foulée, nous achetait à mon frère et moi le livret de l’épisode de la semaine (petite séquence nostalgie, snif, que c'est émouvant !).

Bref, tout ça pour dire qu’au moment d’écrire les scénarios de chacun de mes petits camarades, je me suis plongé assez largement dans mes livres d’histoire, et dans Wikipedia, à la recherche d’éléments qui seraient intéressants à exploiter.
Pour ceux que ça intéresse, en voici les principaux. Tous les éléments en gras ont trouvé leur place dans le récit...

Le sud de l’Espagne regorge de sites datant du paléolithique. C’est d’ailleurs également une des régions où l’homme de Neanderthal aurait survécu le plus longtemps. Mais bon j’avoue que j’aurais pu choisir n’importe quel autre endroit d’Europe pour démarrer mon récit. Je voulais juste un endroit près de la mer.
L’Atlantide est forcément un mythe fortement associé à l’idée d’un cristal. Entre le cristal des atlantes et l’extraction supposée d’un métal appelé orichalque, j’avais de quoi construire mon histoire. Poseidonis comme capitale, et Posidonia comme nom de la reine viennent aussi des récits de Platon.
Le récit sur les vikings est clairement celui qui contient le plus de références historiques réelles. Aux alentours de l’an 996, Leif Erickson, fils d’Erik le Rouge, après une tournée en Norvège où il rencontra le roi Olaf et se convertit au christianisme, retourna en Islande (dans le village de Brattahlid, situé dans le fjord de Tunulliarfik), en compagnie entre autres d’un moine chargé d’évangéliser la communauté. Erik le Rouge accueillit très mal la foi chrétienne. C’est sa femme (la mère de Leif) qui finalement le convaincra de faire construire une église dans le village. Sans qu’il y ait lien de cause à effet comme dans mon récit, Leif, sur base de récits d’un marin nommé Bjarni Herjólfsson qui affirmait avoir aperçu une terre plus à l’ouest de l’Islande un jour où il avait dérivé, se lancera dans une expédition et découvrira en effet cette terre qu’il appellera Vinland (et non, pas « Amérique » comme cet abruti de Bjorn voulait le faire).
Lorsque Hernán Cortés débarque au Mexique, c’est bien Moctezuma II qui est empereur du puissant empire Aztèque dont la capitale, Tenochtitlan sur les rives du lac Texcoco (future Mexico-city), a servi de décor au quatrième récit de Dyamant. Grâce à Dyamant, vous savez maintenant ce qui a poussé l’empereur à accueillir Cortés comme une incarnation du dieu Quetzalcoatl (le serpent à plume bien connu, plus connu en tout cas que Mixcoatl, le serpent de nuages, auquel fait référence le grand prêtre dans un juron).
Le 20 juin 1792, à l’initiative des Girondins, la foule envahit le château des Tuileries. Le roi Louis XVI laisse faire, faisant ainsi échouer la manifestation qui ne dégénérera pas (contrairement à celle d’août plus tard). Présent à Paris ce jour-là, un jeune lieutenant du nom de Bonaparte aurait manifesté alors son mépris pour l'impuissance de Louis XVI. Ce dernier signe, quelques jours plus tard, le brevet de capitaine du futur empereur; ce sera l'un de ses derniers actes publics.
Coloma est une localité située dans le Comté d'El Dorado en Californie. Coloma abrite le site où James W. Marshall a découvert de l'or à Sutter's Mill sur les berges de l’American River en 1848, ce qui entraîna par la suite la ruée vers l'or en Californie. La localité compte actuellement quelque 300 habitants.
Alphonse Gabriel "Al" Capone fut le parrain de la mafia de Chicago de 1925 à 1932. Il installa son quartier général dans le Lexington Hôtel, surnommé le « château Capone », qui sera démoli en 1995. La Prohibition lui a permis d’amasser assez d’argent pour pouvoir créer et diversifier un réseau le liant à d’autres groupes criminels : à New York, dans le New Jersey, à Buffalo, à Cleveland, à Kansas City, au Canada et dans les Caraïbes. Le 5 juin 1931, il est inculpé pour fraude fiscale et arrêté par celui qui lui a mené une lutte sans merci depuis plusieurs années : Eliot Ness.

Pour ceux qui en douteraient, j'étais assez à cheval sur certains éléments pour obliger ce pauvre Rémi à revoir sa case finale dans l'histoire Aztèque.
En effet, il avait dessiné une magnifique vue de Tenochtitlan, sur base d'un document historique, avec... trois magnifiques caravelles sur l'eau en face de la ville.
Le petit souci, c'est que l'eau, c'est un lac intérieur, et donc que ces caravelles ne pouvaient pas s'y trouver: les troupes de Cortés sont arrivées à pied, depuis la côte Atlantique où les bateaux étaient restés.
Après une courte discussion, on a décidé de virer les caravelles au montage. Le document ci-dessous (et la planche originale) sont donc des collectors !




La dernière case originale avant nettoyage et avant escamotage des caravelles, de Rémi Depreester


Etant donné l’exactitude de tous les faits ci-dessus, il est clair que les deux autres récits, qui se passent dans le futur, contiennent eux aussi une grande part de vérité. On en reparle en 2214 et en 2189 pour faire le point.
D'ici là j'aurai sans doute l'occasion de vous montrer comment le découpage et la mise en place du dessin s'est faite chez quelques-uns d'entre nous.

vendredi 13 mars 2015

Projet Dyamant : le making-of (part wanne)

Salut à tous, bande de petits fans curieux.
En attendant le festival Cap Bulles qui aura lieu en notre belle ville de Soignies le dimanche 22 mars prochain, je vous propose de patienter avec un petit making-of du projet Dyamant en plusieurs épisodes, histoire de se mettre quelque chose sous la dent (vu que pour le moment j'ai relativement peu le temps de dessiner malheureusement) et d'expliquer un peu comment notre collectif Synapses travaille.
Si vous n'avez pas encore lu Dyamant, je ne vais pas vous spoiler complètement la lecture, mais il est clair que quelques détails que j'exposerai ici lèveront un peu le voile sur certaines parties du récit. Vous voilà prévenus.



Aujourd'hui: la mise en place du scénario

Un projet comme Dyamant, c'est en gros une année de travail.
Le projet a été officiellement lancé en février 2014. Comme j'étais cette fois à la manoeuvre pour le scénario, j'avais déjà en tête la trame globale du projet, et nous nous étions réunis, les 7 Synapses, pour en valider le principe et se fixer un planning. L'idée à ce moment-là était que je fasse le découpage de chaque histoire pour avril, et que tout le monde dessine ses planches pour fin septembre. Ainsi, nous aurions largement le temps de sortir Dyamant avant la fin de l'année.
Ha ha ha ! La bonne blague ! :-)
La suite démontra qu'il fallait, entre fin des études, travaux divers, et glandouillages variés (gniarkgniark ;-) plus de temps à certains d'entre nous pour se mettre au boulot et pour le finir. Finalement, la date de remise des planches sera repoussée à fin décembre pour une sortie en grande pompe chez JP le 14 février 2015 (ce qui nous permit de placer le grandiose et improbable slogan « pour la St Valentin, offrez un Dyamant à l’élu(e) de votre cœur », slogan qui, avouons-le, aurait perdu un peu de son charme pour la St Nicolas).

Voilà, l'année y est effectivement passée. A tous ceux qui s’aventureraient à nous traiter de feignasses, je tiens à rappeler que sur cette période, nous avions tous les 7 soit des études à poursuivre, soit un boulot à plein temps. C'est déjà balèze quelque part qu'on arrive à sortir en gros un collectif par an, vu le temps que prend ce genre d'exercice. Alors, hein, ho, hein, bon hein d’abord !

Maaaais mais mais, tout le monde s'en fout en fait de nos problèmes d'agenda, revenons donc à cette fameuse trame globale du projet.

Au moment d'imaginer le scénario de Dyamant, dans ma grande sagesse de Monsieur Hibou, j'ai pris en considération deux remarques que nous avions reçues concernant nos précédents collectifs.

  • The Rôbeur Chronicles était le premier collectif que nous avions fait sur la base de "un scénariste, sept dessinateurs". L'idée était d'avoir une plus grande cohérence dans nos albums, et nous éloigner un peu du format "fanzine" basé sur un simple thème. Le résultat fut un recueil plutôt costaud (chaque histoire faisait 16 à 18 planches), mais beaucoup de lecteurs nous exprimèrent leur sentiment de manque de cohésion du tout: chaque histoire était bien en soi, mais on avait du mal à voir le lien entre elles à part un univers commun. D'autres nous firent remarquer que la fin ouverte de l'ouvrage appelait une suite... qui n'arriva jamais. De quoi en laisser plus d'un sur sa faim. Pour toute réclamation à ce sujet, merci de vous adresser à Blue Fox, qui se fera un plaisir d’y répondre avec douceur, armure et épée à deux mains.
  • Les grenouilles vivent la nuit vint inverser cette tendance. Au lieu de 7 récits trop vaguement reliés entre eux, nous nous attaquâmes à une histoire unique, divisée en 7 chapitres qui se suivaient et se mélangeaient directement. Les personnages étaient communs, les liens entre chaque histoire très forts. Cette approche créait forcément un récit beaucoup plus cohérent mais fit apparaître d’autres problèmes. Au niveau graphique d’abord, l’obligation de reprendre tous les mêmes personnages força notre scénariste (Sarah Barbare pour ne pas la nommer) à nous fournir des travaux préparatoires très détaillés : les personnages, leur caractère, leurs caractéristiques physiques, les décors, la maison, son jardin, l’emplacement de chaque endroit devait être cohérent. Toutes ces contraintes bridaient un peu la liberté que chaque dessinateur avait eue dans les collectifs précédents, et ne plut pas à tout le monde (« Mais pourquoiiii je suis obligée de le dessiner avec cette coiffure super mooooche ???? »). De plus, certains lecteurs nous confièrent leur désarroi devant les inévitables changements de styles graphiques : quand les histoires ne se suivent pas directement, ce n’est en général pas gênant, mais ici ça posait problème à certains de nos fans (pas tous heureusement parce que bon, on avait quand même fait un effort pour coller au mieux à l'univers de notre Princesse Barbare).




Les interprétations diverses des mêmes personnages
dans "Les grenouilles vivent la nuit"


BREF !

L’un dans l’autre, toutes ces jérémia... heu... je veux dire... tous ces judicieux conseils m’amenèrent à poser deux bases pour le projet Dyamant :

  1. Les histoires devraient avoir un lien assez faible pour que chaque dessinateur ait un récit indépendant, qui puisse coller au mieux à son style graphique
  2. Ce lien devrait cependant être assez fort pour qu’il y ait un fil conducteur clair entre les histoires, et qu’à la fin de la lecture les récits forment un tout évident, avec une fin qui soit une vraie conclusion et vienne « fusionner » l’ensemble.

C’est ainsi qu’est né Dyamant : chaque histoire se passerait à une époque différente. Mais un objet, qui finalement serait le cristal maléfique ayant donné son nom à l’ouvrage, traverserait les âges dans une quête désespérée pour dominer la terre et nous asservir. La fin devrait faire intervenir un élément qui relierait le tout, et dont je ne vous parlerai pas sinon je vous gâcherai la lecture.
Avec cette approche, je limitais les éléments graphiques à reproduire au seul cristal, laissant pour le reste la liberté à chacun d’interpréter les personnages et les décors à sa sauce. Et je m’assurais aussi de pouvoir offrir à chacun un univers qui lui corresponde : les Vikings pour Blue Fox étaient une évidence, l’Atlantide pour Sarah Barbare aussi. La prohibition pour SoliKson forcément. La liberté était telle que lors de la première réunion certains de mes petits camarades eurent l’outrecuidance de venir avec leurs desiderata : « tu me fais un Western ? », « oh moi j’adorerais l’époque de la révolution française ». C’est ainsi que je me suis retrouvé avec une histoire de trop. Tant pis, j’en dessinerais donc deux.



Dyamant comme fil conducteur entre des histoires aux styles différents.


Le principe de récits historiques me permit aussi d’ancrer l’histoire dans le réel : il y a une multitude d’éléments historiques véridiques qui parsèment le récit de Dyamant, mais ça je vous en parlerai la prochaine fois, j’ai déjà été bien trop bavard !